Le traitement de l'autisme

Publié le par Récrés

Le traitement de l’autisme :


ni réductionnisme, ni rituel psychanalytique!


Par Vaincre L'autisme, vendredi 30 mars 2012, 10:49

Les débats homériques en cours sur les causes de l’autisme laissent perplexe toute personne un tant soit peu informée sur la réalité de cette maladie. Des conflits idéologiques forts éloignés de la réalité médicale et biologique semblent fleurir particulièrement dans l’autisme. Il convient de rappeler quelques faits qui ne sont pas contestables
• L’autisme est une maladie précoce qui prend naissance le plus souvent pendant la grossesse. On trouve plus de neurones dans certaines régions cérébrales des enfants autistes et la prolifération cellulaire ayant lieu  exclusivement  in utéro chez l’homme, la démonstration ne peut être contestée.  L’autisme est une maladie du développement cérébral avec la formation très tôt de réseaux neuronaux aberrants qui rendent difficile la communication des enfants autistes dès leur plus jeune âge.
• L’autisme a parfois une origine génétique, mais l’environnement joue un rôle crucial. On a pu identifier des mutations génétiques dont l’expression chez l’animal cause des malformations et un « comportement autistique ». Ces mutations qui impactent la formation de connections entre cellules nerveuses  entraîne dans le cerveau de l’embryon un cercle vicieux avec des effets délétères sur les  régions atteintes.    
• Des études épidémiologiques montrent une bonne dizaine de facteurs de type environnementaux ayant un rapport avec l’autisme. Ainsi, une étude Danoise des corrélations entre autisme et complications à la naissance montre plus de 60 facteurs périnataux liés à l’autisme  y compris une présentation anormale du bébé lors de la naissance, des complications de type ombilicale/placentaire, une détresse fœtale, une lésion ou un trauma néonatal,  une naissance multiple, une hémorragie maternelle, une naissance en été, un faible poids à la naissance, une petite taille pour l’âge gestationnel, une malformation congénitale, des difficultés de nutrition, une anémie néonatale, une incompatibilité ABO ou de type Rhésus. La probabilité d’avoir un enfant autiste augmente quand deux facteurs sont réunis. Des toxiques tels les métaux lourds et les pesticides ont aussi une incidence sur l’expression de la maladie. En résumé, l’autisme est  une maladie développementale multifactorielle.
• Une malformation cérébrale est un phénomène « biologique » qui ne nage pas dans l’éther et ne se guérit pas avec des mots. Parler de la responsabilité de la mère et de vouloir guérir les rapports avec son enfant fait fi de cette réalité somme toute biologique.  Par exemple, L’ocytocine (une hormone libérée pendant la naissance et l’allaitement) joue un rôle certain dans l’attachement mère-enfant. Imaginons que cette hormone marche moins bien chez une mère et son enfant ; va-t-on l’accuser d’en être responsable et va-t-on guérir ce rapport  difficile avec des mots ou plutôt avec l’hormone déficiente?  Il faudrait peut être rappeler que même les aspects affectifs qu’affectionnent justement les psychanalystes, ont par essence un substratum biologique.
La prétention des psychanalystes de guérir cette maladie avec des séances de psychanalyse ne tient pas car on ne peut pas ignorer la biologie. Le manque de fondement scientifique de cette branche et le fait qu’elle s’affranchit du minimum de preuves statistiques auxquelles sont normalement astreints tous ceux qui veulent développer des traitements est inacceptable. De plus, non seulement les preuves d’une quelconque amélioration sont toujours attendues mais de plus la méthode provoque des dégâts en culpabilisant les mères et  en faisant prendre du retard à l’enfant pendant que celui-ci est privé d’une éducation qui pourrait l’aider à se développer et à s’intégrer. A l’autre extrême, le réductionnisme génétique procède d’une simplification abusive qui tout en dédouanant les mères de leurs responsabilités, ne tient pas compte suffisamment des facteurs environnementaux. On a pu identifier des centaines de mutations génétiques associées à l’autisme montrant la difficulté du diagnostique et à fortiori de la thérapie à partir de ces données. Cette double OPA sur une maladie et des parents dont le courage mérite plus de respect et d ‘admiration, n’a pas lieu d’être. Cette maladie et son traitement posent un problème redoutable aux chercheurs qui sera résolu avec pragmatisme et sérieux sans à priori. Les parents rapportent bien souvent avoir vécu la prise en charge de leur enfant comme une réelle épreuve, d’une part par la culpabilisation maternelle qu’elle engendre souvent mais surtout en proposant une hiérarchie des priorités, lorsqu’il s’agit d’organiser une prise en charge qui s’affranchie des objectifs pourtant essentiels d’autonomie et d’intégration. Les parents ont souvent à juste titre le sentiment d’être dépossédé de leur fonction parentale, incapable qu’ils seraient de faire des choix pour leur enfant.  A l’abus de pouvoir théorique répond l’abus de pouvoir concernant les choix éducatifs et de prise en charge. 
Il faut avoir le courage de dire que cette maladie ne va pas être guérie au sens où on l’entend avec une aspirine qui soigne le mal de tête. Une bonne dose de modestie, d’humilité et de pragmatisme s’impose. Des méthodes différentes peuvent permettre d’améliorer le quotidien des parents, tant mieux,  c’est déjà cela ! La guéguerre entre droite et gauche n’a pas lieu d’être ici, marier la gauche avec la psychanalyse est aussi simpliste que prétendre que les approches comportementales sont nécessairement de droite. Commençons par  comprendre comment se construisent ces réseaux aberrants, comment éventuellement réduire leurs effets nocifs sur les réseaux voisins et surtout comment arriver à réduire tout cela le plus tôt possible, et on aura avancé. C’est en bloquant ces activités aberrantes avec des outils pharmacologiques que les promesses les plus sérieuses sont en cours de développement.

Y Ben-Ari, Neurobiologiste, Fondateur de l’INMED, Grand prix INSERM 2009, président du conseil scientifique de l'Association VAINCRE L'AUTISME.
N Hadjikhani, Neuroscientifique, Professeur Associé Harvard Medical School et co-présidente du conseil scientifique de l'Association VAINCRE L'AUTISME.
E Lemonnier, Praticien Hospitalier, centre de Ressources sur l’autisme de Bretagne, CHU Brest. 

Publié dans Presse - Magazine

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